jeudi 1 mars 2018

Quatrième entretien : Antoine


Retranscription

Entretien réalisé le 28 janvier 2018, dans un café à Rennes.

Pour débuter, pourrais-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Antoine, j’ai 23 ans et je suis en Master MEF en Documentation à Rouen. Je veux passer le concours pour être professeur documentaliste.

Quel est ton rapport au jeu vidéo ?

(Hésitations) C’est un médium que je consomme comme un autre en fait. Pas plus que le cinéma, les séries ou les bandes dessinées. Il n’y en a pas un que je consomme plus que l’autre.

Tu places donc le jeu vidéo sur un pied d’égalité avec les autres médias ?

Oui c’est ça. De plus en plus, même avec ce que je vois en cours, j’ai l’impression que maintenant les médias et les arts se croisent de plus en plus. C’est l’impression que j’ai en ce moment, en tout cas c’est comme ça que je le consomme.

D’accord. Peux-tu me dire maintenant quelle est, selon toi, la place du jeu vidéo dans le paysage culturel aujourd’hui ?

(Hésitations) Pour moi il a une grande place, comme tous les autres médiums. Je peux être autant touché par un jeu vidéo que par une BD ou autre. Je peux vivre des émotions aussi fortes.

Et d’une manière plus globale, quel est ton ressenti sur la place du jeu vidéo aujourd’hui ?

Je trouve qu’on voit beaucoup le jeu vidéo en tant qu’industrie. On le voit beaucoup comme une pratique des jeunes qui prendrait beaucoup de temps aussi, qui serait un peu néfaste. Je pense qu’on ne le voit pas encore comme un objet culturel noble en tout cas.

C’est intéressant. Et est-ce que tu ressens qu’il y a eu une évolution de l’image du jeu vidéo entre ta première expérience avec le média, sans forcément jouer, et aujourd’hui ?

Oui quand même. Je dirais au niveau de toutes les expos qu’il y a par exemple sur le jeu vidéo, où je sais qu’il y a le retro-gaming qui a été un peu récupéré par certaines expositions d’art contemporain. Tu sens quand même qu’il y a des musées qui font des expositions sur les jeux, il y a le musée d’arts ludiques, tout ça. Il y a quand même des évolutions qu’il n’y avait pas avant, au niveau des institutions culturelles notamment.

Tu as déjà participé à une exposition en lien avec le jeu vidéo ?

À des conventions, oui. Mais ce ne sont pas vraiment des expositions. La Paris Games Week, ce genre de choses, mais ce n’est pas… C’est quand même un événement important.

Tu es allé à la Paris Games Week donc ?

Oui une fois. Mais je n’ai pas vraiment apprécié.

Pourquoi ?

C’était assez commercial quand même. Enfin c’était que ça même. Il y avait le spot PS4 face au spot Xbox, enfin c’était vraiment que des grandes marques et il y avait finalement peu de choses sur le médium en soi. Il y avait beaucoup de monde. Et puis il y avait Sébastien Loeb, sans aucune raison je n’ai pas compris.

Donc entre ta première expérience avec le jeu vidéo et aujourd’hui, tu as quand même l’impression que le jeu vidéo est davantage mis en valeur ?

Oui. Et puis même, je pense qu’il y a plus de bouquins sur le jeu vidéo aussi, qui l’analysent. J’ai vu qu’il y avait des bouquins sur Dark Souls ou des choses comme ça. Je ne suis pas sûr que ces choses existaient déjà avant, en tout cas traduites en français.

Donc tu penses aussi que le jeu vidéo a une place différente à l’étranger ? Tu penses que s’il commence à être mis en valeur en France, il l’est déjà depuis plus longtemps dans d’autres pays ?

Oui je pense. Je pense qu’en France, au niveau de l’art, il y a beaucoup de barrières. Avant que ce soit noble. Même dans le cinéma, je veux dire. Certains genres sont dévalués. Ça s’améliore un peu, mais je pense qu’on a pris du retard sur certaines choses, au niveau de la culture en tout cas.

Où penses-tu que le jeu vidéo soit le plus mis en valeur ?

Aux Etats-Unis je dirais. Je pense qu’au Japon c’est plutôt mis en valeur aussi. Ça fait même partie de leur culture.

D’accord. Nous, dans notre travail, on se concentre davantage sur les jeux vidéo PC. À tes yeux, quelles sont les différences entre le jeu vidéo sur console et le jeu vidéo PC ?

Je dirais que ça se place au niveau de la participation des joueurs. Le fait qu’ils puissent créer des mods par exemple. J’ai l’impression que ça crée une certaine hiérarchie. Je sais par exemple que quand je disais à certains potes que j’allais acheter Skyrim sur console, ils me disaient clairement que je n’avais rien compris, parce que j’allais manquer énormément de choses. Parce que je ne pouvais pas modifier le jeu, et que certains mods étaient super intéressants. Je pense que c’est là qu’est la différence.

Et au-delà de ça, dans ta propre utilisation, tu joues parfois à des jeux PC ?

Pas beaucoup. Je ne peux pas jouer à beaucoup de jeux PC sur le mien. En ce moment je joue juste à Hearthstone. C’est un des rares jeux que je peux faire tourner.

Et là toi tu as actuellement une console de jeu ?

Oui. Même plusieurs.

Peux-tu me dire à quelle fréquence tu joues ?

La fréquence, (hésitations), vu que je passe d’un médium à l’autre ça dépend vraiment. J’ai des périodes où je vais jouer beaucoup. Je dirais que je joue trois ou quatre fois par semaine on va dire.

Lorsque tu joues, tu joues pendant longtemps ?

J’avoue que sur Hearthstone je peux passer du temps (Rires). Puisque tu enchaînes les parties en ligne. Mais sinon en ce moment par exemple je joue à The Last of Us, et du coup lorsque je joue, je me fais une session jusqu’à ce que j’ai l’impression qu’il y a une sorte de chapitre qui s’est terminé. Je joue une heure à peu près, voire un peu plus. Quand il s’est passé quelque chose d’important dans le jeu, où qu’on vient de passer un moment assez intense et qu’on entre dans un moment de repos, là je m’arrête en général.

Et tu rejoues rapidement ou bien il peut se passer du temps ?

Non non. Il se passe environ deux ou trois jours. Quand c’est un bon jeu j’y retourne assez rapidement.

D’accord. Et donc tu joues davantage à quel(s) type(s) de jeux ? Quel(s) genre(s) ?

Beaucoup de jeux qui ont une narration proche du cinéma. Des jeux où je sens que le scénario sera travaillé, où je peux ressentir des émotions. C’est plus vers ce type de jeux que je vais, mais par exemple j’ai joué à Borderlands il n’y a pas longtemps, qui est assez différent de The Last of Us, ce n’est pas du tout le même univers ni le même réalisme, et j’ai trouvé ça très très bien aussi.

Tu ne fais donc pas de différenciation en termes de genres ?

Pour moi, peu importe. Par exemple, j’ai acheté Injustice il n’y a pas longtemps, et je me suis rendu compte que c’était la première fois que je jouais à un jeu de combat. Des fois je tente des genres de jeux que je n’avais jamais testés avant. Il y a aussi beaucoup de jeux de super-héros que je teste, même si je sais qu’ils ne sont pas bons, mais parce que l’univers me plaît. Des fois je m’inflige des trucs très mauvais. Ce que je fais souvent aussi c’est que je regarde les critiques et je choisis en fonction de ça.

D’accord. Est-ce qu’il t’arrive de jouer sur des plateformes dites dématérialisées ? Je pense notamment à Steam / GOG / Origin ?

Non. Je peux jouer à très peu de jeux sur mon PC donc (Hésitation). Mais si je pouvais je pense que je le ferais. Je ne pirate pas non plus les jeux, parce que je peux faire tourner très peu de choses.
Donc si tu n’étais pas limité techniquement, tu aurais recours à ces pratiques ?

Oui carrément.

Attaches-tu une importance au fait que les jeux soient sous format physique ou non ?

Non, pas pour les jeux. Avant, j’étais pas mal sur le matériel, même pour les films, et maintenant plus vraiment. Ce qui m’intéresse c’est le contenu en plus. Même le packaging, pour les jeux vidéo, ce n’est pas ce qui m’attire.

Lorsque tu parles de « contenu en plus », que veux-tu dire exactement ?

Je prends l’exemple des DVD ou des Blu-ray, si on dématérialise les films mais qu’on peut trouver du contenu supplémentaire comme sur les DVD et Blu-ray au format physique, moi ça me va très bien. Je parle des bonus, des commentaires audios, etc. À partir de là, peu importe le support. Je ne suis plus matérialiste comme j’ai pu l’être. Lorsque j’achète quelque chose au format physique, c’est qu’il y a des bonus qui m’intéressent dessus.

T’est-il déjà arrivé de pratiquer l’émulation ou d’avoir recours à l’abandonware ?

Oui une ou deux fois. Je ne me souviens plus pour quels jeux mais ça m’est arrivé. Mais ce n’est pas dans mes habitudes.

Est-ce que tu te considères comme un retro-gamer ?

Non, pas vraiment. J’ai acheté des jeux de Gamecube parce que j’aime bien cette console, mais je ne sais pas si ça rentre dans le retro-gaming. Peut-être que oui maintenant. Le retro-gaming est difficile à définir. Je dirais que ce sont les jeux qui étaient déjà vieux lorsque j’ai commencé à jouer. je n’ai pas l’impression de faire du retro-gaming en jouant sur la Gamecube, même si j’aimerais jouer à certains jeux, comme les Zelda ou Metroid Prime, qui ont pris de la valeur et sont aujourd’hui vendus très cher.

Comment expliques-tu ce phénomène du retro-gaming ?

Je pense que le fait qu’avant le jeu vidéo était (hésitations) je ne dirais pas minoritaire, mais le fait qu’il y avait très peu de gens qui jouaient aux jeux vidéo et que ce soit devenu très grand public, je me dis qu’il y a peut-être une volonté de revenir aux bases et de s’affirmer en tant que vrais gamers. Je pense que le streaming ou les Let’s Play sur YouTube ont pas mal joué là-dedans. Je pense au Joueur du Grenier mais il y en a d’autres. Le fait de faire découvrir des jeux à des millions de gens, qui à mon avis pour la majorité sont plutôt jeunes, je pense qu’il y a beaucoup de jeunes joueurs qui ont découverts les jeux retro de cette manière.

Considères-tu que le phénomène du retro-gaming a une influence sur ta pratique du jeu vidéo ?

Je ne sais pas si sans le retro-gaming j’aurais eu connaissance de tous ces jeux. Sans ce phénomène-là, beaucoup de jeux seraient probablement tombés dans l’oubli.
Aujourd’hui, il y a de plus en plus d’initiatives autour du jeu vidéo. Je pense aux Abandonware, au site GOG.com, aux jeux remasterisés, aux expositions, … Est-ce que ces initiatives-là t’intéressent et te parlent ?

Les jeux remasterisés m’intéressent parce qu’ils me donnent l’occasion d’y jouer. De découvrir des classiques vers lesquels je ne serais pas forcément allé. Après, même si je ne suis pas beaucoup ces initiatives, elles m’intéressent parce que tout ce qui peut mettre en avant le jeu vidéo est une bonne chose.

Merci beaucoup d’avoir passé l’entretien.